Yann Le GOAËC répond au collectif Appel de Lourdes 2013

 
Je lis avec attention la réponse de votre collectif Appel de Lourdes 2013 (NDLR : ce droit de réponse s’adresse à un communiqué de presse envoyé à Mgr Rey par le collectif Appel de Lourdes sur la situation du père Thierry de Roucy). Comme maintenant quelques 1500 jeunes volontaires de par le monde, j’ai moi aussi fait l’expérience de la mission Points-Cœur il y a déjà maintenant 22 ans. Je suis parti à l’époque en Roumanie pendant 14 mois et y ai vécu une expérience qui m’a profondément marqué positivement, même si cela a pu être dur parfois. De plus, en fin de mission, j’y ai rencontré une autre jeune amie des enfants qui est devenue par la suite mon épouse.
 
Nous nous sommes par la suite engagés dans la Fraternité Maximilien Kolbe, la branche laïque, dira-t-on, de Points-Cœur. J’y ai aussi exercé des fonctions de conseil d’abord, puis de responsable (élu par les membres laïques de cette fraternité, l’aumônier et le père modérateur n’intervenant pas dans ce vote) pendant 6 ans jusqu’à il y a 4 ans.

Je suis toujours membre actif et vis cet engagement avec joie et sérieux. Surtout, j’y ai toujours cherché et trouvé, au fil des années, par le biais du partage fraternel et des enseignements, les voies me rapprochant toujours plus du Christ avec Marie comme guide fidèle et un engagement assez simple correspondant à notre statut marital : la récitation du Chapelet quotidien, la participation à quelques temps de rencontres fraternelles annuelles dont retraite et vacances, un apostolat de compassion, dans la mesure de nos possibilités envers les plus pauvres. J’ai toujours eu à cœur de vérifier de façon permanente d’être bien au sein de l’Eglise dans la fidélité à Rome, au Pape. Nous avons 4 enfants de 12 à 19 ans, vivons dans un petit village plutôt modestement. Vous dire que je suis (que nous sommes avec mon épouse) très attachés à Points-Cœur va sans dire. Avant de développer ce qui va suivre, il me paraissait juste et essentiel de planter le décor de cette expérience personnelle de Points-Cœur.
 
Je dirais assez simplement que je connais bien le Père Thierry de Roucy. Je pense pouvoir dire encore que j’ai toujours eu toute liberté de dire ou de penser quoiqu’il me sembla en sa compagnie en tant que personne et en tant que responsable de cette Fraternité directement liée à Points-Cœur. J’ai pu vérifier à maintes occasions que mon avis, mon sentiment, mon expérience étaient plus que pris en considération dans des décisions ayant pour but de faire évoluer cette Fraternité. Il a même été nécessaire parfois de confronter, avec charité, des membres pour être en parfait lien avec l’enseignement de l’Eglise, sans hypocrisie, sans relativisme. Je n’ai jamais senti peser sur moi cette emprise psychologique ou spirituelle dont Points-Cœur et particulièrement le Père Thierry sont accusés. J’ai toujours pensé mon appartenance à Points-Coeur simplement comme la couleur que Dieu a choisi pour moi me définissant individuellement au sein de l’Eglise…. Il ne m’a jamais été demandé non plus de rouler exclusivement pour Points-Cœur.
 
Vous nous parlez d’enfermement sur nous mêmes… Bien au contraire, au sein de Points-Cœur, l’acculturation au monde nous entourent ; la participation à la vie paroissiale a toujours été plus qu’encouragée, elle a été souhaitée. Je me suis investi dans le catéchisme, participe à l’équipe d’animation liturgique, fais aussi partie d’un groupe CMR ( comme quoi, les étiquettes…) et enfin dernièrement ai participé à la mise en place de groupes Alpha sur notre paroisse. Ma femme, riche de son désir de compassion et animée par ce beau charisme, a mis sur pied une association avec un prêtre africain parfaitement indépendante de Points-Cœur venant en aide directe à une centaine d’enfants du Cameroun…
 
Excusez moi d’avoir été amené à développer si largement le témoignage de ma vie au sein de cette association que le Seigneur, par le biais d’un prêtre, m’a proposé un jour et à laquelle j’ai choisi d’adhérer très librement. Tout ce développement pour signifier très simplement que l’expérience d’une personne au sein d’une même association vivant le même charisme varie considérablement.
 
Alors, ai- je-eu de la chance ? Ai-je été épargné ? Suis-je-en train de mentir ? Suis-je en train de m’enfermer ? Suis-je tellement embrigadé que l’aveuglement me guide et m’entretient ? Suis-je le seul à vivre mon engagement de belle façon avec le sentiment profond d’être au cœur même de l’Eglise ? Suis-je un fou ou suis-je dangereux ou les deux ? Mon expérience de laïc engagé est-elle si différente de celle de mes amis prêtres, sœurs, laïques consacrés, amis des enfants missionnés de Points-Cœur vivant ce charisme ?
 
Concernant les accusations puis le jugement du tribunal ecclésiastique de Lyon… Celui-ci reconnaissait en 2011 le père Thierry coupable envers un tiers » d’abus de faiblesse, d’abus sexuel et d’absolution du complice »…Effectivement, lu comme cela, que dire de plus : il s’agit bien évidemment d’ un fondateur cynique et parjure ! Regardons y de plus près… Pourquoi ne mentionnez-vous pas et pourquoi n’est il jamais mentionné que le Père Thierry a toujours nié avec véhémence ces accusations d’abus sexuel ? A-t-on jamais dit que l’accusateur, un homme adulte, religieux à l’époque, n’a accusé le père Thierry qu’après avoir essayé de quitter le sacerdoce parce qu’il entretenait, en Amérique du sud, une liaison avec une jeune fille (qui plus est, malheureusement, amie des enfants) ! Qu’il ne s’est sans doute résigné à porter cette accusation au final que parce que le simple abus de pouvoir ne suffisait pas pour être relevé de ses fonctions sacerdotales ? Il a très certainement réussi puisque cette fille l’a rejoint en France, qu’il est retourné à l’état laïc et s’est marié. On rajoutera qu’il s’est bien gardé de dire au moment de l’accusation qu’il entretenait une telle liaison.
 
Alors parole contre parole ? Je fais le choix assumé de croire le Père Thierry. On notera encore que malgré une enquête et un procès s’étalant sur 6 ans, il n’a été trouvé aucun autre élément qui puisse corroborer d’autres abus de cet ordre. De fait, une telle accusation n’aurait même pas du être autorisée en justice ecclésiale, la loi canon demandant qu’au moins 2 accusations soient déposées pour être enregistrées. Bref, passons, mais notons tout de même qu’à Rome, la faiblesse du dossier (la parole d’un homme contre celle d’un autre) n’ a abouti qu’à cette sanction : interdiction au Père Thierry de confesser les membres de Points-Cœur pendant 3 ans… oui, c’est tout ! Très objectivement, qu’en pensez-vous ?
 
Depuis sont venues se greffer alors d’autres accusations, jamais plus d’ordre sexuel d’ailleurs, mais le mal était fait et la réputation ruinée : un ecclésiastique fondateur jugé coupable d’abus sexuel, pensez-vous donc ! Il devenait si simple de montrer du doigt le coupable idéal de bien des maux.
Dès lors, ce qui reste tout de même de l’ordre de la subjectivité (l’ abus de pouvoir, l’emprise morale, spirituelle, psychologique) est officieusement renommé ou retraduit , même involontairement, en »objectivité » et fait office de vérité. Est-ce juste ?
 
Peu importe que l’immense majorité des personnes s’épanouissant dans cette vocation au charisme choisi se passe au mieux, que les amis des enfants de retour reviennent de mission le cœur riche de pépites spirituelles et de rencontres extraordinaires avec les enfants, avec Dieu. Fi de tout cela, fi des quelques 30 prêtres et séminaristes de l’œuvre, de la quarantaine de sœurs Servantes de la présence de Dieu, fi de la centaine de laïcs consacrés, femmes et hommes donnant leur vie pour le Seigneur et qui reconnaissent autour d’eux à temps et à contre temps les beaux fruits de ce charisme. »Ils se sont surement fait piégés » … Fi enfin de toutes ces autres très nombreuses personnes qui après Points-Cœur et grâce à cette expérience ont trouvé un autre lieu de vocation dans une autre communauté. Les a-t-on pressurisés, empêchés de partir ? non. A-t-on empêché de partir ceux qui, après avoir cheminé un temps avec Points-cœur ont décidé de suivre un autre chemin de foi dans leur vocation ? Non. Enfin, que dire de tous ces couples, hommes et femmes qui ont vécu une belle mission et qui élèvent aujourd’hui leurs enfants dans une foi revigorée et vivante, dans un monde qui en a tant besoin !
 
On nous reproche de nous enfermer sur nous même …mais vous semblez oublier si aisément que notre plus véritable preuve d’ouverture à l’Eglise est que depuis le début de son existence, Points-Cœur ne va que là ou un évêque du monde en a fait la demande expressément, que l’association ne reste que parce que ce dernier est satisfait et témoin des merveilles accomplies autour de ces maisons de quartiers défavorisés…que 90% des missionnés vivent hors de France, au cœur de l’Eglise universelle !
 
Je ne serai pas angélique… Bien sur qu’avec Points-Cœur il peut y avoir des difficultés, des ratés, des approximations, incompréhensions, manquement à la charité même, comme dans n’importe quelle communauté. Que des erreurs soient parfois commises, elles le sont et le seront, que l’on manque même de maturité si vous voulez… Nous, nous voulons bien grandir encore si on nous en donne l’opportunité sans nous accabler de toutes sortes de maux et en chargeant la mule.
 
Vous savez, aller vivre au loin, être confronté à la misère, à toutes les misères est aussi une épreuve au même titre que c’est une joie. C’est un pari, un pari grave qu’a effectivement pris un jour un prêtre de bonne volonté accompagné d’autres âmes ayant soif de Dieu , d’amour du prochain et seulement armés du chapelet. Pour certains parfois, avec la permission de Dieu, les choses ne se passent pas comme on l’aurait imaginé. Malgré l’envie de suivre Dieu, malgré le don de sa personne, la mission ne se passe pas comme souhaitée. Oui, il y en a pour qui la mission est un échec ou semble l’être… Il y en a… Et sur ce petit nombre, il y en a qui savent se retourner contre ce qu’ils ont aimé profondément… amour déçu ? Sentiment de trahison ? Une trahison qu’eux mêmes ne se pardonnent pas ? Une souffrance sans issue apparente ? Le sentiment douloureux d’avoir été rejeté et de ne pas comprendre pourquoi (ou de ne pas chercher à comprendre) ? Une fragilité qui fait surface ? Qui sait sinon Dieu…
 
Avec votre collectif, il y a un autre collectif officieux farouchement opposé à Points-cœur qui a sciemment décidé de nuire autant qu’il est possible à l’œuvre. Ils sont de ceux qui ont su se retourner contre nous alors qu’ils faisaient un moment partie de la maison. Je ne les juge pas mais je ne comprends pas leur acharnement. Pour certains cas que je connais, ils ne sont pas des  » rescapés » qui auraient fui Points-Cœur mais des personnes à qui il avait été signifié avec égard et explications, que non, ils ne pouvaient continuer avec la Fraternité Molokai et y devenir prêtre. Que non encore, tel profil et telle fragilité ne permettaient pas à telle ou tel de rentrer chez les Servantes de la présence de Dieu ou chez les permanents laïcs consacrés. Le chagrin ou la déception causés par de telles décisions sont regrettables parce qu’elles sont indéniablement une souffrance pour la personne concernée, mais pour quelque congrégation qui prend cette décision, cela relève très justement du libre arbitre et d’un discernement fondé. Et il en a toujours été ainsi dans toute congrégation ou communauté catholique.
 
Vous noterez que d’autres personnes (dont une très proche ) se sont retrouvées dans le même cas au sein de Points-Cœur, s’en sont remises en toute humilité à Dieu et ont finalement créé un foyer, vivant heureux maritalement, ou ont trouvé une autre communauté. Nous sommes fragiles et toutes nos fêlures sont bien réelles. Au sein de ces échecs apparents se cache bien plus souvent qu’on ne le pense une croix finalement rédemptrice ou un chemin autre fait pour nous. Certains préfèrent malheureusement réagir à chaud et ne donnent pas au temps et à Dieu la possibilité de changer leur cœurs vers des pâturages plus verdoyants et un avenir serein.
 
Je suis enfin désolé que l’on ne trouve aucune sorte de bienveillance dans votre nouveau courrier et même du mépris proche de la calomnie dans la première partie, que rien ne trouve grâce à vos yeux. C’est plus simple pour vous, « faire table rase » de Points-Cœur, comme vous le suggérez dans cette dernière missive. Nous sommes pourtant, vous et moi des chrétiens convaincus je l’espère. Comme à moi, il vous incombe aussi de peser pleinement la portée de vos actes et de vos écrits, de les soupeser avec sagesse, de ne pas vous laisser déborder par une émotivité vous submergeant et mauvaise conseillère.
 
Pensez aux centaines de personnes qui sont directement blessées par ces accusations, à ces personnes qui n’ont pas du tout le sentiment de vivre ou d’avoir vécu les dérives dont vous les parez tous avec audace. Nous avons l’impression de n’être plus qu’une entité virtuelle n’existant que dans des dossiers qui se passent de mains en mains, un problème qu’il faut régler au plus vite. Derrière tout cela, il y a des hommes et des femmes qui ont donné leur vie à Dieu et aux pauvres. Ne l’oubliez jamais ! Il nous est demandé de changer, et nous obéissons à ces injonctions… mais que les nouvelles pistes sont floues, en non adéquation avec l’expérience d’une réalité qui touche les cœurs et convertit pourtant. Nous sommes désarmés. On prend notre silence pour de la méfiance, de la défiance ou du mépris… Non, simplement on ne sait pas et on ne comprend pas… On attend, on accepte, on espère. En agissant ainsi vous allez ainsi peut-être nier un futur qui s’annonçait si prometteur pour leur bien et le bien d’autres âmes. Vous me direz bien évidement que vous souhaitez tout le contraire en les sauvant malgré eux d’un mal que vous leur prêtez.
 
Je n’ai jamais, pendant ces 10 dernières années éprouvantes pour cette association, écrit ou tenté de défendre Points-Cœur qui m’a pourtant construit au sein de l’Eglise. Il m’est plus simple, en tant que laïc de le faire en écrivant en mon nom mais en pensant aussi à d’autres qui n’ont que le droit de ne pas s’exprimer. Aujourd’hui, la coupe est pleine, nous subissons nous aussi avec tristesse et incompréhension accusations, témoignages détournés et subjectifs toujours à charge. Nous avons confiance en l’Eglise parce que nous sommes aussi l’Eglise, avec notre charisme particulier de compassion. Et nous, qui sommes fidèles, qui nous entend ? vers qui diriger nos plaintes ? Points-Cœur a été à ces débuts encensé, sublimé par certains, trop sans doute. Et puis l’accusation, les accusations… est venu le temps de la passion ; épousons la croix, mais disons notre incompréhension face à un tel acharnement de frères en Christ. Que quelqu’un nous parle et nous entende enfin en vérité, avec justice. Pour information, le Père Thierry a fait appel de sa suspension a divinis, elle n’est donc plus en vigueur.
 
J’imagine bien encore que certains risquent d’interpréter cette réponse comme une provocation, un affront. Jamais nous ne répondons. Pour une fois je le fais et c’est bien plus un cri du cœur pour être enfin véritablement entendu et rectifier quelques données toujours passées sous silence et qui finalement, au fil des ans, nous ont desservies grandement. Je ne cherche ni à polémiquer ni à blesser qui que ce soit, j’expose un point de vue différent de ce que l’on voit par médias interposés.
 
Pour terminer, je reprends votre dernière interrogation : « L’Eglise va-t-elle en rester là ? Quelle alternative lui reste-t-il après avoir tout tenté ? » j’ai une réponse… la bienveillance charitable jusqu’au bout.
 
Yann Le Goaëc
membre de la Fraternité Maximilien Kolbe Points-Cœur

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